"Belles de décoffrage"

Exceptions dans le béton

 

Julie Legros

 

Rendez vous bien compte, le béton est une matière qui sort de notre imagination. Nous l'avons fait à notre image, comme on voulait qu'il soit : une matière étrangement hospitalière, sans faille, et d'une plasticité qui à tous égards saurait la faire rentrer dans n'importe quel moule. En cherchant à transcender la matière nous la contraignons plus quelle nous oblige. Sans contraintes, il ne nous reste plus que l'exercice de style. Un exercice difficile. Un exercice qui m'ennuie.
Alors, par négation, je cherchais à me débarrasser du moule pour me concentrer sur le potentiel du pâteux avant la pétrification. Une pâte, une boue, une gueuse, qui ne ressemble à aucune autre, ou qui finalement se rapprocherait le plus de cette boue grasse que l'on trouve le long des chemins pluvieux. Jouer du béton c'est jouer de sa viscosité. Une sorte de « pulsion opératoire », une main à la pâte aux résurgences infantiles. Je me découvre plasticienne, dans une introspection mettant en jeu autant le contrôle que le lâcher prise. Pourrait-on dire psychanalytique ? Ici on flirt avec la matière.

 

Je cherche à raffiner la surface du béton, à changer son image, tout en cherchant des astuces constructives pour faciliter sa mise en œuvre. Au stade encore de l'échantillon, l'ambition futur serait de mettre au point ce nouveau savoir-faire pour sa reproductibilité, pour une production plus sérielle -on est quand même designer ici.